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Créer son propre succès

Sébastien Paré s’est lancé à son compte à la scie à chaîne. Sept ans plus tard, il songe à investir dans une seconde abatteuse. Portrait.

14 juillet, 2022  par Maxime Bilodeau


Maxime Paré

Pour réussir comme entrepreneur forestier, un sens développé des affaires est nécessaire. C’est ce qui permet de tirer son épingle du jeu. Savoir s’entourer est également fort utile; aucun individu n’est une île, un tout, complet en soi-même. Les années d’expérience sont définitivement un atout, tout comme le fait d’être un excellent homme-orchestre – mécanicien, électricien, comptable, alouette. Finalement, il faut de la chance, ce qui implique au moins en partie de savoir la créer. Ces cases, Sébastien Paré les coche toutes.

« La concurrence est forte. Mais, beaucoup de gars se bordent d’illusions et rêvent en couleur », affirme l’entrepreneur forestier d’une trentaine d’années. Opérations forestières l’a rencontré à la fin avril dernier en marge d’un contrat de réalisé dans une gravière de Tring-Jonction, en Beauce. « Le propriétaire veut éventuellement en faire un quartier résidentiel, raconte celui qui est originaire de la municipalité voisine d’East Broughton. Ce genre de mandat me garde occupé pendant la période de fonte printanière. »

Le chantier d’aujourd’hui, Sébastien le réalise à son propre compte. En temps normal, il bûche pour le Groupement Forestier Arthbaska-Drummond, qui se spécialise dans l’aménagement de forêts privées depuis plus de 40 ans. « Le Groupement me fournit environ 90 % de mes contrats », précise-t-il. Derrière lui ronronne une abatteuse Rottne H11 munie d’une tête à rouleaux Log Max 5000 D. Acquise en 2021, cette petite merveille témoigne à elle seule de tout le chemin parcouru par le jeune père de famille depuis ses débuts à la scie à chaîne, en 2015.

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L’abatteuse Rottne H11 et le transporteur Sampo Rosenlew FR28.

Venir de loin
« C’était un retour dans la foresterie pour moi, après avoir quitté le domaine en 2008 en pleine crise. Je travaillais alors comme un fou pour me dégager un salaire », se souvient Sébastien en riant. Ce qui devait arriver arriva : il finit par se blesser. Ce fut d’abord un coup de scie à chaîne sur un genou, suivi d’une épinette qui lui est tombée sur le dos. Un grave coup de chaleur, deux semaines après l’épisode du résineux, a été de trop. « Cela a achevé de me convaincre qu’il fallait que je passe à la vitesse supérieure si je ne voulais pas y laisser ma peau. »

Son premier achat a été une tête d’abattage à impulsion (à « stroke ») de Metavic montée sur une excavatrice. Le financement a toutefois été difficile à obtenir. « Dans les institutions financières, un forestier est un peu considéré comme l’Antéchrist », regrette celui qui a néanmoins eu la chance de tomber sur un bon conseiller financier, Sébastien Bolduc, directeur de comptes agricoles chez Desjardins Entreprises – Beauce-Sud et Appalaches. « C’est aussi lui qui m’a permis de financer mes acquisitions subséquentes. »

Parmi celles-ci : un transporteur Sampo Rosenlew FR28, acheté en 2020. Pas le choix : il sortait alors son bois avec un tracteur de ferme! C’est à ce moment qu’il engage Jean-François Pinette, son seul et unique employé, qui possède 20 000 heures d’expérience sur ce type de machines. « Sébastien est un boss très compréhensif. Tant que nous ne sommes pas en retard sur l’horaire, tout est OK avec lui », explique le principal intéressé. La preuve : ce jour-là, un lundi, il s’apprêtait à partir bouillir en plein milieu d’après-midi avec la bénédiction du patron.

« Je fonctionne par résultats, enchaîne Sébastien. Comme nous sommes payés à la production, si tu n’excelles pas, tu n’es pas payé. » Se grayer de machines performantes permet en ce sens de maximiser les rentrées d’argent. « On le voyait avec l’excavatrice, à la fin de sa vie utile. Les 15 minutes prises ici et là pour régler des pépins mécaniques finissaient pas s’accumuler et totaliser une demi-journée en perte de temps », analyse-t-il. Résultat : un camion de bois en moins, ce qui représente peut-être le coût de l’essence pour l’ensemble de la semaine.

La tête Logmax 5000D à l’œuvre

Comprendre le client
Sébastien a sciemment choisi des machines sur roues plutôt que sur chenilles. Un choix moins anodin qu’il n’en paraît. « Elles sont plus étroites d’environ 2 à 3 pieds que des modèles conventionnels, ce qui brise moins la forêt et les chemins. C’est important pour les propriétaires forestiers privés chez qui nous bûchons », indique-t-il. Comme les boisés de la Beauce et du Centre-du-Québec appartiennent à peu près tous à des particuliers, ce détail a permis à l’entrepreneur forestier de se démarquer au fil du temps.

Il se fait d’ailleurs une spécialité d’obtempérer aux demandes parfois capricieuses qu’on lui formule. Contourner un pommier même si ça implique un détour de 100 mètres pour sortir le bois? Il l’a fait. Construire des sentiers de débardage afin qu’ils soient invisibles d’un chemin d’accès principal? Même chose. « Oui, ça me prend plus de temps et me coûte de l’argent, mais je suis gagnant en fin de compte. Les clients voient qu’on fait un effort, apprécient la marque de respect et nous recommandent ensuite à leurs voisins », constate Sébastien Paré.

Manifestement, le jeu en vaut la chandelle. Son téléphone ne cesse de sonner, surtout pour des éclaircies, plus rarement pour des coupes totales. Au sein du Groupement Forestier Arthbaska-Drummond, on fait parfois expressément appel à ses services, preuve s’il en faut que sa réputation le précède. Saura-t-il être à la hauteur? « Je n’exclus pas d’investir dans une seconde abatteuse dans les prochaines années, dévoile-t-il. Il y en aurait ainsi toujours une qui vire, de jour comme de nuit. » En bon entrepreneur forestier, il comprend que son salut passe par la productivité. 


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